L’énigme de la conscience de soi et le polyhandicap
Le Petit Conservatoire du Polyhandicap a organisé le 14 février 2020, en collaboration avec le Département de Pédagogie Spécialisée de l’Université de Fribourg, une journée d’étude consacrée à l’énigme de la conscience de soi et le polyhandicap. 250 personnes ont participé à la journée, provenant de divers horizons professionnels et géographiques
Conférences
La conscience et la conscience de soi : une description phénoménologique, par Frédéric Moinat
Les processus multisensoriels comme échafaudage de la perception et de la réhabilitation, par Micah Murray
La conscience de soi dans le champ de la pédagogie spécialisée, par Geneviève Petitpierre
Conscience de soi et polyhandicap : découvertes et énigmes, par Juliane Dind et Georges Saulus
Synthèse de la journée
Par Julien Vulliet, modérateur
Directeur Adjoint de la Fondation Clair-Bois Lancy
Cette journée, dans ce couplage énigmatique, nous a permis d’approfondir la question de l’être et de la conscience, dans une oscillation entre le préréflexif et la réflexivité.
Ce que l’on peut notamment retenir des différents apports, c’est en premier lieu la description limpide de Messieurs Moinat et Rochat du phénomène de la conscience et de l’apparition de la conscience de soi. Cette séquence développementale (en couches d’oignon successives) qui peut assurément être utile aux professionnels dans l’étalonnage, le calibrage des progrès observés auprès de l’enfant polyhandicapé au cours de son développement.
Et puis le dialogue qui existe entre nos différents sens explicités par Micah Murray, ces zones du cerveau qui chantent ensemble. En quoi les processus multisensoriel sont une composante fondamentale de la construction de la perception. Notons aussi le fait que les connaissances acquises sur ces processus multisensoriels sont le terreau fertile d’un développement technologique dont les visées sont de permettre un soutien à l’éducation, à l’accessibilité au monde environnant et une qualité de vie pour les personnes concernées.
Cette part de magie dont vous nous témoignez madame, en qualité de maman d’une personne polyhandicapée, qui nous invite à penser que tout ne s’explique pas… Merci pour cette prise de parole.
L’accent mit également par Geneviève Petitpierre sur la dimension dynamique du processus de la conscience de soi et l’importance de l’observation de la conscience de soi écologique pour fonder nos interventions auprès des personnes polyhandicapées.
Et votre affirmation éclatante Docteur Saulus, que la dignité d’un être est indépendante du niveau de ses performances. Merci de nous emmener dans ce choix éthique, que vous avez appelé une exigence éthique maximale. Soyez assurés que nous la partageons.
ET ALORS… ? dirait votre fille Monsieur Murray !
Ce qui demeure, c’est l’enjeu de faire rayonner et se matérialiser ces connaissances, ces approches, dans les institutions d’accueil, dans les familles, auprès des personnes concernées !
A cette question … nous avons une prise de position franche de Juliane Dind, sur la nécessité d’une inscription systématique de l’observation et de la stimulation des activités de conscience des personnes polyhandicapées dans les curricula et projets pédagogiques. Et c’est un défi que nous nous devons de relever. Tu nous as montré comment procéder, Juliane.
Les défis justement, que nous posent l’accompagnement des personnes polyhandicapées sont certainement en évolution, tout comme nos outils et connaissances pour les relever… Mais ce qui nous est clairement démontré aujourd’hui au travers des différentes interventions, c’est que les valeurs qui sous-tendent notre action – le respect de la dignité humaine, la tolérance, l’éthique du travail, le courage, l’humilité…, ces valeurs collectives sont le moteur de notre engagement. Elles constituent la force tranquille des progrès qui ont été accomplis dans la compréhension et l’accompagnement des personnes polyhandicapées.
La spécialisation des institutions – vous êtes beaucoup d’acteurs institutionnels aujourd’hui -de nos modes d’interventions, construits sur des bases théoriques évolutives, construits en partenariat avec les familles, assurés par un engagement magnifique des professionnels de terrains, ont peut-être tendance à « territorialiser » la vie des personnes que nous accompagnons : l’approche médicale, l’approche pédagogique, éducative, l’approche thérapeutique… Nos réponses ne peuvent s’adresser uniquement à des morceaux d’existence. Ce que nous donnent à voir ces personnes doit être évidemment considéré dans un tout.
Et considérer la personne polyhandicapée, c’est aussi et avant tout chercher à avoir accès à sa conscience, c’est lui donner les moyens de se penser elle-même. La conscience comme ‘horizon vivant du maintenant’…
Finalement, la richesse des propos d’aujourd’hui témoigne de l’importance de rassembler le faisceau de nos observations pour construire collectivement des approches, à l’interface de nos savoirs, approches sans cesse réévaluées. Et tout ceci, bien sûr, en essayant de saisir ce qui nous échappe dans des interstices ou la vie s’exprime avec la plus haute intensité.
Vernissage
Vernissage du livre « La conscience de soi au prisme du polyhandicap. Mieux la connaître, l’observer et stimuler son développement » (Dind, 2020)